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LA MANIPULATION SÉMANTIQUE

En l’espace de plusieurs mois, la crise sanitaire a généré son vocabulaire. Une sémantique qui dessert les idéologies des uns et des autres et qui conduit parfois à stigmatiser ou à déformer la réalité. Cet article décortique, sans prétention de vérité, le glossaire de la crise sanitaire.

GLOSSAIRE DE L'IDÉOLOGIE SANITAIRE :

  1. "Complotiste"

  2. "Antivax"

  3. "Vaccin"

  4. "Pass vaccinal"

  5. "Rassuriste"
     

  6. "Mainstream"

  7. "Pensée unique"

  8. "Big Pharma"

  9. "Dictature"

  10. "Hold-Up"

Le vocabulaire des uns

Le vocabulaire des autres

"Complotiste"

 

L’explosion de ce terme coïncide avec le début de la crise sanitaire et, surtout, le second semestre 2020.

 

Une recherche sur Google du mot « complotistes » au pluriel fait ressortir plus d’un million de pages de résultats. C’est dire à quel point le phénomène (ou sa stigmatisation) n’a rien de marginal.

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L’évolution des requêtes qui contiennent le mot clé « complotiste », en France, entre 2017 et 2021. Source : Google Trends[1]

 

 

Le dictionnaire Larousse définit un complotiste comme « quelqu'un qui récuse la version communément admise d'un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d'un complot fomenté par une minorité active »[2].

Un terme très ambigu

 

Ce terme revêt toutefois une grande ambiguïté, car il renvoie à tout et son contraire : le complotiste est à la fois celui qui crie au complot… et celui qui complote. Il est régulièrement reproché aux complotistes d’être des citoyens perturbateurs de l’ordre civil. C’est tellement vrai que la Commission européenne elle-même, dans sa lutte contre la désinformation, range les complotistes (ou les « théories conspirationnistes »)  au même rayon que les cybercriminels ou les tentatives de déstabilisation venant de pays tiers[3].

 

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Les médias font régulièrement usage du terme « complotiste ». Dans cet exemple, les décodeurs du Monde dénoncent le « On avait raison » des complotistes, alors même que cet « avoir raison » est au cœur de la prétention des fact-checkers[4].

Une connotation négative

 

Une analyse sémantique en contexte[5] permet d’observer la connotation très négative du terme « complotiste », qui est utilisé par ses détracteurs et non revendiqué par les personnes ainsi désignées. Voici quelques associations linguistiques que nous avons observées au départ de l’outil Reverso : « Les dérives complotistes », « Les mensonges complotistes », « La logorrhée complotiste », « Les thèses complotistes », « La manipulation complotiste ».

 

Le qualificatif de « complotiste » cache un jugement tout autant qu’une possible réalité. Il véhicule différents reproches tels que : la paranoïa, l’élucubration, le raisonnement aberrant, l’extrémisme.

Une mot « fourre-tout » pour épingler la diversité des contredisants

Mais qui est complotiste ? Et à partir de quel moment ? À en lire une certaine presse, on pourrait croire que le complotisme correspond à une réalité tangible ou à un mouvement politique. La réalité nous semble bien plus nuancée.

 

La liste des personnalités rangées au rayon du complotisme par certains médias ne fait que s’étendre, puisqu’il suffit souvent, aujourd’hui, de simplement contredire ou critiquer la voix officielle pour être immédiatement catalogué de conspirationniste.

 

« Le complotisme : un mouvement hétérogène auquel on ne peut pas trouver de réels leaders », précise l’Express[6], comme un aveu de cette difficulté à étiqueter la masse hétérogène de citoyen·e·s qui expriment leurs doutes et leurs cris. Des citoyens qui sont récupérés par certains mouvements politiques, comme l’ex-Front National Florian Philippot ou la députée Martine Wonner. La presse aime particulièrement souligner ces présences politiques[7] d’un mouvement de contestation profondément diversifié et apolitique à la base.

 

Des centaines de milliers de personnes manifestent aujourd’hui dans la rue[8]. Le samedi 31 juillet, elles étaient plus de 200.000 selon le ministère français de l’Intérieur (et beaucoup plus selon les manifestants), réparties dans plus de 150 villes à travers la France, en pleine période de vacances. Tous les secteurs, toutes les tranches d’âges, tous les milieux sociaux sont représentés. Ce qui fait dire au Parisien que « Macron fédère des gens qui n’ont rien à faire entre eux »[9].

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Un sondage réalisé par l'IFOP en décembre 2018

 

Un sondage réalisé en décembre 2018[10], soit plus d'un an avant la crise de la COVID-19, indiquait déjà que 43% des Français étaient d'accord avec l'idée que "le ministère de la santé est de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins". Il serait intéressant de renouveler ce sondage, initié par la Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch et publié sur le site officiel du Sénat, pour connaître l'évolution de la perception des Français suite à la crise du coronavirus.

Complotiste un jour, complotiste toujours

Au rayon des complotistes, le journal L’Express cite également quelques noms, dont Luc Montagnier et Didier Raoult. Or, à l’analyse, il s’avère que le prix Nobel Luc Montagnier a été méchamment discrédité pour avoir émis, en 2020, des hypothèses sur l’origine humaine du virus… qui sont finalement prises très au sérieux aujourd’hui.

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En avril 2020, France Culture, comme beaucoup d’autres médias, noircissent ce qu’il dénoncent être les « théories fumeuses » du Professeur Luc Montagnier.

 

L’article de France Culture s’apparente à une calomnie envers Luc Montagnier, dont les opinions « relèvent du délire conspirationniste et du biais d’autorité ».

 

L’assertivité des journalistes est totale : « S'il y a une chose qui ne fait absolument aucun débat aujourd'hui, c'est qu'il est impossible que le SARS-CoV2 soit de facture humaine. ».

 

Ironie du sort, un an plus tard, la thèse de l’origine humaine du virus refait surface et est prise très au sérieux.

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Le 14 mai 2021, le journal Le Monde, citant la revue Science, amène à considérer très sérieusement l’hypothèse d’un virus issu d’un laboratoire.

 

Le professeur Luc Montagnier avait raison de s’interroger. Mais aujourd’hui, son nom demeure sali et les articles qui le discréditent restent en ligne, en l’état, sans la moindre excuse de la part des médias, qui maintiennent une assertivité inconséquente et amnésique.

 

Quant à Didier Raoult, il fait clairement la différence entre les conflits d’intérêt dans le secteur de la santé, qu’il dénonce, et les thèses complotistes de manipulation des masses par un petit nombre d’individus puissants, thèses auxquelles il n’adhère pas[11]. « Je ne suis pas un complotiste, déclare le Professeur Raoult, mais ne soyons pas non plus des enfants de cœur. La corruption, ça a toujours existé. »

De fait, la corruption existe. Et pas un peu ! D'après un relevé de l'association Corvelva[12], le secteur pharmaceutique a fait l'objet d'un total cumulé de 233 condamnations pour un montant qui avoisine 24 milliards de dollars. Prenons simplement deux exemples relayés par le journal Le Monde : la condamnation de Pfizer, en septembre 2009, à une amende de 2,3 milliards de dollars pour publicité mensongère à propos de plusieurs médicaments[13], ou bien la condamnation de Johnson & Johnson, en août 2019, à une première amende de 572 millions de dollars pour campagnes de promotion trompeuses[14]. Ce sont ces mêmes sociétés, qui trônent sur le podium des condamnations, qui sont aujourd'hui mandatées par nos gouvernements dans le cadre de la vaccination contre le COVID-19. La transparence des contrats, des garanties et des mécanismes de négociation des prix soulève de nombreuses questions sur lesquelles nous reviendrons.

Dans ces conditions, traiter de "complotistes" les personnes qui soupçonnent des conflits d'intérêt ou des possibilités de corruption nous semble non seulement naïf, mais tout simplement indécent.

Une stratégie qui vise à rendre les opposants infréquentables

Bien sûr, des thèses purement complotistes existent, faisant parfois de Bill Gates un sataniste[15], mais le qualificatif « complotiste » est aujourd’hui distribué à tout bout de champ, comme un instituteur donnerait des mauvais points aux méchants élèves pas sages.

 

Un détour par le Comité Scientifique Indépendant, BonSens[16] ou RéinfoCovid[17], associations régulièrement traitées de complotistes, devraient vous convaincre que ces associations n’ont absolument rien d’extrême. Leurs moyens d’expression sont le partage, la réflexion, la multidisciplinarité. Leurs slogans respectifs sont remplis de douceur : « Soignants pour une politique sanitaire juste et proportionnée », « Questionner, comprendre, agir », « Préserver le bon sens pour les générations actuelles et futures ». La manière dont les médias « mainstream » discréditent ces mouvements associatifs a de quoi profondément nous interpeller[18]. Nous ne pouvons que vous inviter à écouter ces acteurs citoyens, dans la longueur, et à vous faire votre propre opinion.

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Le générique du Conseil Scientifique Indépendant respire la douceur et non la rébellion violente. Le CSI prône une politique sanitaire juste et proportionnée. Les conflits d’intérêt y sont dénoncés, mais le ton est résolument constructif, citoyen, solidaire.

 

Que ce soit face à la masse ou face aux individualités, on voit bien que le terme « complotiste » est une manière de réduire, noircir et rendre infréquentables les voix diverses et nuancées de ceux et celles qui interrogent la pertinence et la justesse des politiques, ainsi que les sources sur lesquelles elles s’appuient.

 

Le sabotage de la démocratie sous des airs bien-pensants

L’histoire de Luc Montagnier, évoquée ci-dessus, à propos de l’origine du virus, démontre à elle seule que la dénonciation d’une thèse complotiste est une manière facile et violente d’écarter la réflexion critique et les hypothèses qui questionnent les politiques en vigueur.

 

Or, la possibilité et la légitimité de questionner les politiques en place, c’est précisément le signe de vivacité d’une démocratie. Sans contre-pouvoir, sans réflexion, sans expression d’une opposition, la dialectique démocratique s’écroule et nous basculons en tyrannie.

 

Aussi, il nous semble particulièrement pervers de voir un journal comme l’Express stigmatiser le Conseil Scientifique Indépendant comme un repère de « gourous et de complotistes » qui tiendraient « des discours pseudo-scientifiques aussi dangereux pour la santé publique que la démocratie »[18].

 

Des discours pseudo-scientifiques, peut-être, cela reste à prouver… par la voie démocratique, et non en muselant l’ensemble du corps médical, menacé de licenciement à la moindre expression d’une opinion qui ne cadre pas avec la ligne gouvernementale. Un muselage et une intimidation que nous étayerons dans un prochain article.

 

En conclusion, le terme « complotiste » :

  • est abondamment utilisé pour étiqueter un amalgame de personnes et d’opinions ;

  • porte un jugement expéditif, destiné à rendre ces opinions irrecevables ;

  • a déjà plus d'une fois émis à tort certains griefs ;

  • a déjà été utilisé plus d'une fois envers des personnes modérées et démocrates ;

  • présente le danger de freiner la liberté d'opinion et de saboter la démocratie, en rendant la critique et la vigilance irrecevables.

 

Nous invitons nos lecteurs à se poser les questions suivantes :

  • Est-ce complotiste de dénoncer des conflits d’intérêt affectant les politiques publiques ?

  • Est-ce complotiste d’être attentif aux risques de corruption ?

  • Est-ce complotiste d’émettre des hypothèses scientifiques différentes de celles du gouvernement ?

  • Est-ce complotiste de s’interroger sur la fiabilité des données chiffrées sur lesquelles les politiques s’appuient ?

  • Est-ce complotiste de désirer débattre des infinies options de politique sanitaire ?

  • Est-ce complotiste d’envisager la prévention immunitaire et les recherches en la matière ?

 

C’est pourtant ce que font, avec beaucoup de précaution, la plupart des associations que nous avons mentionnées et qui sont pourtant épinglées « complotistes » par les médias dominants.

En revanche, si vous avez des doutes (comme nous) à propos de la pertinence ou de la transparence des politiques actuelles, afin de garder les pieds sur terre, nous vous invitons à prendre les précautions suivantes lorsque vous vous informez :

  • Systématiquement identifier la source des informations

  • Recouper l'information (consulter d'autres sources, de préférence dans le camp adverse)

  • Vérifier si l'information à fait l'objet d'un fact-checking

  • Ne pas prendre les fact-checkers automatiquement pour argent comptant (l'histoire a démontré qu'ils peuvent aussi se tromper ou présenter des conflits d'intérêt[19])

  • En cas de contradiction, redoubler de précaution et de sens critique

  • Privilégier les sources qui étayent leurs propres sources

  • Privilégier les données factuelles aux allégations émotives et aux jugements

  • Se méfier des affirmations catégoriques, non étayées, ainsi que des arguments d'autorité (par exemple : « les experts scientifiques sont formels pour dire que..." ou " les scientifiques sérieux estiment que..."... ces formules cachent souvent une discordance que l'on désire minimiser)

  • Vous former à la lecture et à l'interprétation d'études scientifiques (pour aller à la source)

Au final, la difficulté réside dans le fait que nous disposons rarement de tous les éléments de vérité et de certitude et qu'il nous faut combiner l'intuition à la raison. Écouter sa tête, puis écouter son cœur. Trouver la justesse entre le doute, très souhaitable, et la paranoïa, disproportionnée. Trouver l'équilibre entre la docilité naïve, qui nous expose aux manipulations les plus grotesques, et le délire de persécution, qui nous déconnecte du réel.

Sources :

[1] https://trends.google.fr/trends/

[2] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/complotiste/188079

[3] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/communication-tackling-covid-19-disinformation-getting-facts-right_fr.pdf

[4] https://hardyjeanmarc3.wixsite.com/electron-libre/le-fact-checking

[5] https://context.reverso.net/traduction/francais-anglais/complotiste

[6] https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/le-complotisme-un-mouvement-heterogene-auquel-on-ne-peut-pas-trouver-de-reel-leader_2153916.html

[7] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/07/24/la-manifestation-contre-le-passe-sanitaire-c-est-peut-etre-un-detail-pour-vous_6089390_4500055.html

[8] https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/manifestations-contre-le-pass-sanitaire-3000-membres-des-forces-de-l-ordre-mobilises-a-paris-2206768.html

[9] https://www.leparisien.fr/politique/macron-federe-des-gens-qui-nont-rien-a-faire-entre-eux-les-anti-pass-sanitaire-donnent-de-la-voix-17-07-2021-GYKYJ7IE5ZFHLGAGXTZSUTAOCE.php

[10] https://www.publicsenat.fr/article/societe/sondage-21-des-francais-adherent-a-au-moins-cinq-theories-du-complot-137727

[11] https://www.bfmtv.com/sante/didier-raoult-je-ne-suis-pas-un-complotiste_VN-202104160131.html

[12] https://www.corvelva.it/fr/approfondimenti/sistema-sanita/case-farmaceutiche/le-condanne-alle-big-pharma-negli-usa.html

[13] https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/09/02/une-amende-de-2-3-milliards-de-dollars-pour-pfizer_1235011_3234.html

[14] https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/27/crise-des-opiaces-572-millions-de-dollars-d-amende-pour-le-groupe-johnson-johnson_5503124_3210.html

[15] https://leve-toi.com/bill-gates-et-les-rituels-sataniques-de-microsoft/

[16] https://bonsens.info/

[17] https://reinfocovid.fr/

[18] https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/gourous-complotistes-medecines-alternatives-enquete-sur-les-charlatans-du-covid-19_2143439.html

[19] https://reinfocovid.fr/science/des-scientifiques-adressent-une-critique-aux-fact-checkers-et-a-certains-journalistes/

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